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Sans liberté d’expression, point de liberté d’opinion

Editorial La Presse

 

Au classement mondial de la liberté de la presse, publié le 3 mai, la Tunisie n’a cessé de marcher à reculons. En 2022, le pays a perdu 21 places. En 2023, il en perd 27. La Tunisie occupe désormais le peu flatteur 121e rang sur 180. Une déchéance nationale qui passe mal auprès des Tunisiens.

Le verdict de Reporters sans frontières fait mal en soi. Lorsque les Tunisiens se vantent, en plus, de n’avoir récolté de la révolution que la liberté d’expression, c’est la double peine.

L’ONG étaye son rapport par plusieurs arguments dont « les attaques contre les acquis de la liberté de la presse arrachés après la révolution de 2011». Pointant également la justice, RSF déplore que celle-ci persiste « à se baser sur des textes hérités de l’ère Ben Ali, au lieu de s’appuyer sur les décrets-lois de 2011 plus favorables à la liberté de la presse et de l’information. Dans ce contexte de détérioration de l’environnement politique, le décret-loi 54 de septembre 2022, censé lutter contre les “fausses informations”, représente également une nouvelle menace pour la liberté de la presse dans le pays».

De son côté, le syndicat des journalistes tunisiens dénonce dans son rapport publié à la même occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, les attaques récurrentes du régime contre «les acquis de la liberté de la presse». Il fait état de plus de 200 agressions contre des journalistes. Il alerte sur les journalistes traduits en justice «en dehors du cadre législatif du droit de la presse». Et appelle à l’abrogation du mal aimé — ose-t-on avancer prudemment — décret 54.

Face à ce spectacle désolant qui nous rappelle donc  un passé peu glorieux, on vient nous annoncer que rien ne vaut la liberté de pensée. Certes, avec la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée est l’un des droits fondamentaux que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme, repris par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

A ce détail près, cette liberté fondamentale qui garantit à chaque individu de penser comme il lui plaît ne peut être effective que si elle est accompagnée de la liberté d’expression. Expressions orale et écrite se déclinant en chroniques, articles, tribunes, livres, essais… Sinon, chacun dans son coin, va penser à sa guise, jouissant de cette liberté, toutefois, discrète et solitaire, puisqu’il doit l’enfouir au plus profond de lui-même, la dissimuler et taire. Plus sérieusement, la liberté de pensée ne peut s’affirmer, être garantie et identifiée que par la liberté de recevoir et de communiquer des informations, des opinons et des idées, sans l’ingérence des autorités publiques et sans risque de représailles. Ainsi, sans liberté d’expression, il n’y a point de liberté de pensée et d’opinion. L’une ne va pas sans l’autre.

    

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